UE C : Habitat et société

Le modèle urbain de la "ville productive" remet en question le zonage moderne - la séparation stricte des fonctions - au profit de nouvelles mixités. Il invite à réintégrer l'espace de production au plus proche de l'habitat pour diminuer les flux pendulaires, soutenir une économie de proximité, et renforcer les liens entre producteurs, consommateurs et territoires.

Centré sur des formes visibles et localisées d'activités économiques (telles que les ateliers, makerspaces ou les petites industries) le modèle de la "ville productive" tend cependant à ignorer une part croissante du travail réellement exercé dans les centres urbains : celui, plus diffus et statistiquement invisible, réalisé au domicile. L'essor des home-based businesses est pourtant significatif : les entreprises à domicile sont « la forme dominante d'entreprise en termes de nombre, et le segment avec la croissance la plus rapide dans la plupart des économies occidentales ». Ces formes de travail sont caractérisées par leur flexibilité, leur dispersion spatiale et leur inscription croissante dans l'environnement numérique. Qu'elles soient pérennes ou temporaires, ces formes de travail à domicile indépendant cachent des réalités diverses. D'un côté, la désynchronisation des temps sociaux, la porosité croissante des espaces de vie, et l'isolement des travailleurs fragilisent les conditions de travail et complexifient les équilibres entre vie professionnelle et personnelle.  De l'autre, ces pratiques dessinent les contours d'une économie de voisinage, et participent silencieusement à une redéfinition plus large des dynamiques productives à l'échelle urbaine. Enfin, ces bouleversements s'inscrivent dans le cadre du logement à la fois en temps qu'espace architectural historiquement pensé pour la vie domestique de la famille nucléaire, à la fois comme lieu où s'articulent de nombreux temps sociaux, rapports de pouvoir et inégalités sociales.

Dans ce contexte, quel regard critique porter sur le modèle de la « ville productive » ? Quelle est la pertinence, d'un point de vue architectural et social, d'espaces de production au plus près du logement ?

En s'inscrivant simultanément dans les champs de l'architecture, de la sociologie et de l'ethnographie, l'unité d'enseignement favorise une approche interdisciplinaire, permettant une étude critique de la coexistence des fonctions domestiques et productives dans l'espace urbain.

L'UE-C invite les étudiant·es à s'approprier des outils d'enquête, d'analyse et d'observation proposés par la sociologie. Un travail d'enquête au sein d'habitats productifs permet de dépasser les oppositions trop binaires entre logement et travail, individuel et commun. En formulant une pensée de l'habitat productif, il s'agit d'explorer comment de nouvelles articulations entre logement collectif, espaces de production et communs dessinent les contours spatiaux et sociaux d'une économie de voisinage.

Le cours se focalisera sur trois filières susceptibles de s'intégrer au logement pour mieux transformer la ville depuis l'intérieur : artisanat, maintenance, et care. En effet, ces économies du faire et du soin constituent un « travail vivant et situé » contribuant à la mise en forme d'un monde habitable, relationnel, durable. Elles permettent de penser les manières d'habiter la ville productive, à partir d'un ancrage local et relationnel.

Tout le long du semestre, de nombreux apports théoriques viendront enrichir les discussions à la table. Ces cours seront aussi des occasions d'échanges collectifs et de débats sur le thème de la ville productive.