Théorie et critique du projet MA1 (Braghieri)

Le travail de semestre a pour objectif l'expérimentation ponctuelle d'une stratégie de recolonisation des vallées latérales du Rhône par le développement d'activités cohérentes avec leur condition géographique spécifique. En partant de l'opportunité offerte par la présence de nombreuses lignes de chemin de fer, construites à l'époque pour le développement touristique et industriel, certaines régions alpines ont aujourd'hui l'occasion de redéfinir leur identité culturelle et productive indépendamment de la monoculture hôtelière ou extractive.

Dans ce contexte, l'atelier propose d'explorer le thème de la construction dans le territoire alpin à la lumière des changements imposés par les transformations économiques et sociales qui s'opèrent ces dernières décennies.

Le site pour cette année sera localisé aux abords des gares de Salvan et des Marécottes sur la célèbre ligne de train entre Martigny et Chamonix. L'objectif pragmatique est de détourner la vocation originale du chemin de fer touristique à infrastructure fonctionnelle vers une nouvelle colonisation de la vallée du Trient. L'abandon de la monoculture touristique et de l'exploitation extractive est le postulat principal sur lequel se base le travail expérimental de l'atelier. Le projet est envisagé parallèlement comme outil critique de lecture du territoire dans ses formes culturelles et matérielles, et comme dispositif pratique permettant d'affirmer une vision politique et intellectuelle de l'état actuel des choses, afin d'influencer de manière active la dynamique des transformations en cours.

L'hypothèse est que, à travers de micro-interventions il soit possible de construire des synergies de développement et de sauvegarde des territoires en crise. En effet, la mise en œuvre d'une dynamique de recolonisation viable pour la condition spécifique des vallées de montagne doit passer par l'utilisation pertinente et consciente de la culture architecturale.

Dans cette optique, le projet d'architecture est entendu comme un outil opérationnel permettant d'expérimenter des stratégies sensibles et durables dans une condition par sa nature résistante à toute intervention extérieure.

Les bâtiments projetés chercheront à assumer le caractère du lieu au sens positif, à savoir qui ne se limite pas à lire passivement l'histoire et le présent ou à interpréter le contexte et les figures autochtones, mais qui soit à même d'écrire une contribution originale de la spécificité du lieu au travers des formes de l'architecture. La recherche d'un équilibre culturel, social et durable se matérialisera dans chaque projet architectural et dans la réponse chorale à l'échelle de la vallée étudiée, de l'implantation aux solutions constructives et à la séquence typologique, d'usage et d'exploitation. Le programme de l'atelier s'inscrit dans un dessein plus général de redéfinition critique des concepts abusés d'identité locale et de valeurs traditionnelles afin de soutenir et d'encourager un processus ouvert et partagé de renaissance démographique et culturelle des régions périphériques.

Plus précisément, le programme prévoit de développer un système cohérent d'activités artisanales et d'habitations collectives. L'ensemble d'une quinzaine de projets, tous à implanter sur des parcelles différentes et en relation les unes avec les autres, constituera un Forum Alpinum, c'est-à-dire un lieu communautaire de rencontre et d'échange. Concevoir un lieu pour la collectivité dans une condition alpine signifie partir de la condition géographique de son territoire en tant que système, et donc considérer que les fonctions sociales, commerciales et productives sont inséparables les unes des autres.